Une équipe de chercheurs du Cary Institute of Ecosystem Studies et de l’université de Géorgie (États-Unis) a utilisé des bases de données médicales en temps réel pour cartographier les aires de répartition géographique, la distribution et l’intensité des maladies zoonotiques transmises par les mammifères à travers le monde. Selon ces nouvelles cartes et les recherches publiées dans Trends in Parasitology*, il apparaît que les points chauds épidémiques à l’échelle planétaire ne sont pas là où on les attendait. Prédire les épidémies, provoquées soit par de nouveaux agents pathogènes, soit par des agents pathogènes connus mais dans de nouvelles régions, constitue l’un des plus grands défis scientifiques actuels. L’objectif est d’anticiper ces risques afin de passer à une approche préventive.
Les maladies zoonotiques ont toujours existé. Aujourd’hui, près d’un millier de zoonoses présentent un risque pour l’homme, la plupart virales comme Ebola, Zika, le syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) ou bactériennes comme la maladie de Lyme, la rage, la peste. Pourtant, en dépit du fait que la plupart des agents pathogènes pour l’homme ont une origine animale et que la majorité des maladies émergentes humaines proviennent des mammifères, les connaissances restent limitées sur leur distribution géographique par rapport aux réservoirs animaux et aux populations humaines, ainsi que sur leurs voies de propagation. Or une meilleure compréhension de la répartition mondiale des agents zoonotiques et de leurs hôtes, les mammifères terrestres sauvages, pourrait permettre de prévoir les futures zones d’émergence de zoonoses. Les chercheurs américains se sont donc penchés sur les types de données disponibles susceptibles de servir de base à ces modèles prédictifs.
Étonnamment, la répartition des zoonoses ne correspond pas à celle des zones à forte biodiversité. Par exemple, s’il y a une grande diversité d’espèces animales dans les régions tropicales, on pourrait s’attendre à y trouver aussi davantage de parasites et d’agents pathogènes zoonotiques. Or s’il y a effectivement une plus grande richesse de vecteurs potentiels sous les tropiques, les maladies zoonotiques sont surtout concentrées dans les régions tempérées.
Cette nouvelle cartographie illustre également les conséquences des conflits entre les hommes et les animaux sauvages, et les impacts de l’agriculture intensive. Sans surprise, les maladies transmises par la faune sauvage sont plus fréquentes dans les zones à forte biodiversité. En revanche, les zoonoses transmises par les animaux domestiques sont fortement liées à la densité des populations humaines, et non à la richesse des espèces. Curieusement, les maladies transmises par les rongeurs se propagent dans des régions à faible densité de mammifères.
Au final, comptabiliser, combiner et cartographier les différents facteurs à l’origine des zoonoses constitue une étape importante pour déterminer de quels réservoirs sauvages et de quels types d’agents pathogènes émergeront les nouvelles maladies humaines. Évaluer le risque d’apparition de ces zoonoses passe par l’analyse des distributions géographiques et taxonomiques actuelles de leurs hôtes. Sur cette base de données empiriques, la modélisation et la comparaison des maladies peuvent servir à améliorer les prévisions relatives au risque d’émergence de zoonoses chez l’homme via les mammifères sauvages. Ces comparaisons peuvent également révéler des régions géographiques à faible potentiel zoonotique qui, par contraste, permettront d’identifier les sources et les déclencheurs de maladies latentes.
* http://www.cell.com/trends/parasitology/fulltext/S1471-4922(16)30010-1