Quelque 5 millions de personnes mordues chaque année dans le monde, plus de 100 000 décès, environ 400 000 amputations ou défigurations. Tel est le bilan des morsures de serpents venimeux recensées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des estimations considérées comme bien en deçà de la réalité. Dans les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine concernés, les populations rurales pauvres sont les plus touchées, mais aussi les enfants. Pourtant, les traitements contre l’envenimation ne font pas partie des priorités de santé publique, comme certaines maladies tropicales, et la disponibilité des sérums antivenimeux fait cruellement défaut.
Malgré un lourd bilan, digne d’une grave crise sanitaire mondiale, les morsures de serpents venimeux sont un problème de santé publique négligé, qui affecte surtout les régions tropicales et subtropicales. Ces morsures provoquent pourtant des paralysies sévères, des hémorragies, des insuffisances rénales irréversibles, des lésions tissulaires nécessitant l’amputation, des défigurations permanentes, et sont beaucoup plus meurtrières que la plupart des maladies tropicales. Rien qu’en Inde, plus de 45 000 personnes sont décédées en 2005 du seul fait de ces morsures, soit le quart du nombre de victimes du sida.
La revue Nature* revient sur ce problème de longue date, qui a du mal à s’imposer dans les débats consacrés à la santé mondiale. En septembre 2015, Médecins Sans Frontières (MSF) avait annoncé à la communauté internationale être bientôt à cours de sérums antivenimeux, le seul traitement efficace contre les effets toxiques des venins. En cause : le groupe Pasteur Sanofi avait décidé, un an plus tôt, de stopper la production de son anti-venin Fav-Afrique. Selon les estimations de MSF, les conséquences sont désastreuses : cette pénurie devrait tuer quelque 10 000 personnes supplémentaires par an, rien qu’en Afrique, à l’instar du virus Ebola.
Des contraintes techniques
Mais comme la plupart des personnes mordues par les serpents vivent dans les régions les plus pauvres du monde, avec de faibles systèmes de santé et peu de ressources médicales, la question est largement ignorée. Certes, en mai 2016, l’assemblée mondiale de la santé qui s’est tenue à Genève, en Suisse, a mis cette crise à son ordre du jour. Mais les avis des experts divergent quant aux solutions à adopter pour mettre un terme à la pénurie actuelle : certains parient sur l’innovation pour développer une nouvelle génération d’antivenimeux à large spectre, d’autres préfèrent améliorer la production et l’utilisation des sérums existants et en réduire le coût. Il est vrai que la méthode de production des sérums n’a guère évolué depuis les années 1890 ! L’un des grands défis pour la fabrication des sérums est la préparation de l’agent immunogène qui convient. Or actuellement, peu de pays produisent des venins d’une qualité suffisante pour produire des sérums adaptés et efficaces. L’arrivée sur le marché de sérums inadaptés, non testés, voire contrefaits, a sapé la confiance dans ce traitement, faisant chuter la demande, donc la production, et grimper les prix.Ainsi, en l’absence d’un marché fiable pour ces médicaments et d’une rentabilité suffisante, des entreprises pharmaceutiques ou gouvernements ont interrompu leur production. Sur 35 au départ, ils ne sont plus que 5 producteurs pour toute l’Afrique subsaharienne.
Le produit lui-même pose problème : sa durée de vie est limitée et il doit être conservé au froid, ce qui se révèle difficile dans les zones reculées et sans électricité… En outre, contrairement aux venins de scorpion ou d’araignée, le venin de serpent renferme une dizaine de toxines différentes et beaucoup de sérums ne sont efficaces que contre une seule espèce de serpent. La recherche travaille actuellement à élargir leur spectre d’action. L’objectif est de produire des anticorps synthétiquement, en utilisant des cellules plutôt que des animaux, et de développer des sérums antivenimeux “universels”, efficaces contre un large éventail d’espèces de serpents dans une grande partie du monde. Les progrès sont lents, faute de financements et en raison de la complexité biologique des venins de serpent, mais constants. Les plus optimistes espèrent entrer dans la phase des essais cliniques d’ici à quatre ans. Mais avec des coûts de développement et de production astronomiques, ces nouveaux sérums auront du mal à concurrencer les anciens, qui restent bien plus abordables, et à convaincre des fabricants. D’où les divergences entre experts de santé publique à Genève, en mai dernier. L’espoir pourrait venir d’un compromis, entre l’innovation et l’intensification de la production de médicaments actuels, comme c’est le cas en Amérique latine.
Au final, la fin de la pénurie de sérums n’est pas pour demain, mais la communauté internationale commence à prendre le problème au sérieux. Pour certains observateurs, éduquer les cliniques locales à la façon de soigner les victimes de morsures de serpent et d’administrer les traitements en temps opportun serait aussi utile pour limiter les décès. Pour d’autres, ne pourrait-on simplement fournir des bottes aux paysans pour échapper aux attaques de vipères à la saison des pluies ? La prévention est aussi une stratégie efficace ! Un médecin du Bénin résume ainsi la situation : « Nous avons désormais la capacité et les moyens de résoudre ce problème de santé publique. Il ne nous manque que la volonté de le faire. » Comme quoi, l’histoire se répète ! N’entend-on pas les mêmes propos concernant la rage dans le monde ?
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