Prévoir une épidémie de maladie infectieuse avant qu’elle ne survienne, ce n’est plus de la science-fiction, ou presque. Dans une récente étude*, des chercheurs ont utilisé un ordinateur capable de modéliser de grands ensembles de données pour prédire quels animaux seront porteurs de virus, de bactéries ou de champignons potentiellement zoonotiques. Ces prévisions devraient aider à améliorer la prévention et la réponse aux flambées de maladies.
Pour aider la recherche dans ce domaine, une équipe de scientifiques a mis au point un programme d’apprentissage automatique (machine learning) capable d’analyser une base de données regroupant des informations sur des centaines d’espèces de mammifères, incluant l’étendue géographique de leur habitat et leur stratégie de reproduction. Leur programme a évalué quelque 86 variables prédictives différentes, comme la taille du corps, la durée de vie et la densité de la population, pour mettre au jour des modèles communs parmi les animaux identifiés comme des réservoirs ou des vecteurs de maladies zoonotiques.
Pour simplifier les résultats, l’équipe a limité ses analyses aux rongeurs, porteurs d’un nombre élevé d’agents pathogènes zoonotiques, de Yersinia pestis au virus de la rage en passant par les hantavirus. Avec plus de 90 % de précision, le programme d’apprentissage automatique a identifié quelles espèces de rongeurs sont et pourraient devenir de nouveaux réservoirs zoonotiques, mais aussi dans quelles régions géographiques les agents pathogènes émergents sont susceptibles de survenir.
Le programme décrit également les profils biologiques qui caractérisent les espèces réservoirs. Ainsi, les rongeurs réservoirs affichent une stratégie de reproduction qui suit un rythme rapide, avec une maturité sexuelle précoce, une gestation de courte durée et des portées nombreuses. Selon les auteurs, ce cycle court permet à ces espèces de transmettre leurs gènes avec succès, sur de vastes zones géographiques, avant que la maladie qu’ils véhiculent ne leur soit fatale.
Au final, les prévisions générées par ces modèles constituent une base pour orienter la surveillance des maladies sur le terrain vers des régions et des espèces particulières, mais aussi pour tester de nouvelles hypothèses sur le rôle de réservoir de la faune sauvage. Cette étude montre qu’il est désormais possible de prédire avec précision quelles espèces sauvages seront porteuses d’infections zoonotiques. Quant à les prévenir, c’est une autre histoire, qui reste à écrire par les services de santé et les épidémiologistes qui devront relever le défi de maîtriser et traiter des zoonoses inconnues auparavant.
* Barbara A. Han : Rodent reservoirs of future zoonotic diseases, PNAS, 2015, http://www.pnas.org/content/early/2015/05/14/1501598112.full.pdf