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Insecticides systémiques : les députés votent leur interdiction totale au 1er janvier 2016

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Insecticides systémiques : les députés votent leur interdiction totale au 1er janvier 2016

 

Les conclusions alarmantes du Worldwide Integrated Assessment (WIA)* sur les effets dévastateurs du fipronil et des néonicotinoïdes sur la faune, parues en octobre 2014, sont plus que jamais d’actualité. La France, en pionnière, vient de voter l’interdiction totale de ces derniers en 2016, dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité. Mais les sénateurs suivront-ils les députés sur ce point ?

 

Le 19 mars 2015, l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant l’interdiction totale de toute une famille d’insecticides systémiques, les néonicotinoïdes, à partir du 1er janvier 2016. La France est donc le premier pays à vouloir interdire ces produits phytosanitaires, utilisés massivement dans le monde entier. Plusieurs molécules actives sont concernées : le thiaméthoxam (Cruiser®), l’imidaclopride (Gaucho® et Confidor®), le thiaclopride (Proteus®), le dinotéfuran, l’acétamipride et le clothianidine (Poncho-Maïs®).

 

L’amendement adopté

Ainsi, la portée de l’amendement présenté conjointement par les députés Gérard Bapt et Delphine Batho « est vaste, puisqu’il vise toute la famille des néonicotinoïdes. Ces produits ont d’énormes qualités neurotoxiques. Ils sont systémiques, envahissant toute la plante, laquelle les transmet à travers le pollen, ce qui atteint les insectes pollinisateurs (pas seulement les abeilles, mais aussi les papillons). Ils sont également solubles dans l’eau. Introduits par épandage, 80 % d’entre eux s’infiltrent dans le sol où ils persistent plus de 1 000 jours, s’attaquant aux arthropodes, mais aussi aux vers de terre. Les eaux de ruissellement les entraînent ensuite dans les milieux aquatiques où ils s’attaquent aux arthropodes aquatiques, lesquels sont consommés par les poissons et les oiseaux, ce qui fait que ces produits se retrouvent, bien entendu, dans la chaîne alimentaire. Enfin, ils ont une qualité extraordinaire : ils sont de 5 000 à 10 000 fois plus neurotoxiques que le DDT, un produit qui, rappelons-le, est interdit. Voilà pourquoi leur succès commercial est important, mais voilà aussi pourquoi nous ne faisons pas un seul repas sans en consommer nous-mêmes, tous les jours.

 

Камов_Ка-26_(HA-MRS)L’industrie a retenu les leçons de la retraite de Russie : après une “morne plaine”, une autre “morne plaine”, après le retrait du marché d’un néonicotinoïde, un autre apparaît, petit-cousin de l’autre. Lorsque les firmes productrices s’étaient opposées au moratoire de trois ans décidé par l’Union européenne, elles avaient indiqué que la production des cultures concernées s’effondrerait. Or, le bulletin du Contrôle officiel des ressources agricoles de l’Union montre au contraire que, pendant ces trois années, le volume de ces productions a augmenté, ce qui prouve que l’effet neurotoxique nuit même à la productivité agricole. »

 

L’amendement a finalement été adopté, contre l’avis du gouvernement. Pour Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, « il n’est pas possible d’interdire brutalement l’usage des produits phytosanitaires de façon unilatérale, ce ne sera pas appliqué. Le cadre européen ne permet pas une interdiction si stricte ». Et Gérard Bapt de rétorquer : « Je comprends votre argumentation, madame la ministre, mais, lorsque nous avons interdit le Gaucho®, il n’était pas interdit dans tous les pays européens. Lorsque nous nous sommes intéressés au bisphénol A, il n’était pas interdit dans tous les pays européens de commercialiser des biberons qui en contenaient. »

 

Une synthèse des connaissances

Le WIA, un groupe de travail international indépendant, a récemment synthétisé l’état des connaissances sur les conséquences pour la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes de l’utilisation mondiale des néonicotinoïdes et du fipronil. Pour cela, il s’est appuyé sur les résultats de plus de 800 articles scientifiques publiés au cours des vingt dernières années.

 

Les néonicotinoïdes et le fipronil représentent actuellement environ un tiers du marché des insecticides dans le monde. Ces composés sont utilisés pour lutter contre les insectes nuisibles dans l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture. Ils sont appliqués en bain, en pulvérisation foliaire, en bassinage du sol et en injection dans le tronc, sans oublier l’enrobage des semences. Ils sont aussi largement employés pour contrôler les parasites et les vecteurs de maladies chez les animaux de compagnie, les animaux de rente et les poissons.

 

Crop_spraying_-_geograph.org.uk_-_535012Selon les conclusions du WIA, cet usage généralisé a conduit à une contamination des sols, de l’eau, des zones humides, de la végétation non-cible, des estuaires et des systèmes marins côtiers. Ainsi, les nombreux organismes vivants qui évoluent dans ces habitats sont chroniquement exposés à des concentrations efficaces de ces insecticides, au premier rang desquels les abeilles et les insectes pollinisateurs.

 

L’analyse balaye leurs effets secondaires dans l’environnement, sur les invertébrés non cibles, sur la faune vertébrée, ainsi que les risques pour le fonctionnement des écosystèmes, et explore des pratiques de lutte antiparasitaire durable susceptibles de servir de solutions alternatives à l’usage tant des néonicotinoïdes que du fipronil.

 

* Conclusions of the Worldwide Integrated Assessment on the risks of neonicotinoids and fipronil to biodiversity and ecosystem functioning, J.P. van der Sluijs et coll. Environ Sci. Pollut. Res. Int. 2015, 22:148-154. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4284366/

 

 

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