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Homéopathie chez l’animal : l’avis de l’Académie vétérinaire de France

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Homéopathie chez l’animal : l’avis de l’Académie vétérinaire de France

Malgré des données scientifiques controversées et des preuves douteuses sur la véritable efficacité des produits homéopathiques, tant pour l’homme que pour l’animal, certains vétérinaires continuent de prescrire ces traitements holistiques. Soucieuse de l’éthique et de la qualité de la médecine vétérinaire dans l’Hexagone, l’Académie vétérinaire de France (AVF) fait le point sur l’homéopathie en s’appuyant sur la recherche scientifique et se prononce sur son efficacité non démontrée.

 

L’efficacité de l’homéopathie fait débat depuis des années maintenant. L’intérêt de la population générale pour cette thérapie ne faiblit pas, malgré l’absence de preuves scientifiques sur son efficacité. Selon un sondage Ipsos réalisé en octobre 2018, 70 % des Français, potentiels propriétaires d’animaux, font appel à l’homéopathie pour soulager leurs premiers symptômes, 74 % jugent que les remèdes homéopathiques sont efficaces, et 71 % pensent que l’homéopathie est un bon complément aux traitements classiques. Pourtant, après l’analyse de 800 études sur les bénéfices pour les patients, les hautes instances de la santé ont récemment conclu que ces granules ont une efficacité équivalente à celle d’un placebo. Ainsi jugés inefficaces par les autorités sanitaires, depuis le 1er janvier 2021, les remèdes homéopathiques humains ne sont plus remboursés. À la suite de cette décision, l’AVF a mené une réflexion sur l’homéopathie en médecine vétérinaire et fait part de ses conclusions.

 

L’homéopathie transposée aux animaux

L’homéopathie, introduite à la fin du XVIIIe siècle par Samuel Hahnemann, un médecin allemand, repose sur trois principes. Le premier, la loi de la similitude, suppose qu’une substance provoquant une série de symptômes chez une personne en bonne santé permet de guérir le malade qui présente les mêmes symptômes. Ainsi, la caféine diluée préviendrait les insomnies, ou encore le venin d’abeille en petite quantité serait efficace contre les piqûres d’insecte. Le second principe préconise de diluer le produit au maximum pour en minimiser la toxicité et augmenter son efficacité. Enfin, selon la loi dite d’individualisation, un traitement doit être personnalisé selon le mental et les émotions de chacun. L’homéopathie adopte donc une approche holistique qui implique que deux personnes souffrant du même mal peuvent se voir prescrire un traitement différent.

Ce dernier prérequis a d’ailleurs exclu pendant longtemps les traitements homéopathiques du champ de la médecine vétérinaire. Samuel Hahnemann rejetait comme absurde cette pratique. Il ne s’imaginait pas pouvoir interroger une vache sur ses maux. Le premier qui songea à soigner des animaux avec des remèdes homéopathiques fut un vétérinaire de Leipzig, J.J.W. Lux, converti à l’homéopathie par Hahnemann lui-même. Entre 1831 et 1840, il publia cinq volumes d’une compilation sur les effets des médicaments et des poisons administrés à des animaux sains, dont une partie sur l’homéopathie vétérinaire, extrapolant à l’animal les pathogénésies établies pour l’homme sain, un autre principe mis à mal dans l’homéopathie vétérinaire.

En effet, le métabolisme d’un chat diffère sur bien des points de celui d’un bovin. Leurs organismes ne réagissent pas de la même façon à différentes substances. Cependant, les homéopathes transposent directement toutes les caractéristiques médicamenteuses de l’homéopathie de l’homme à l’animal, mettant à mal la crédibilité théorique de l’homéopathie vétérinaire. Il est pourtant bien difficile de comparer l’alopécie chez un animal à la calvitie humaine, par exemple. De plus, les médicaments homéopathiques vétérinaires sont le plus souvent administrés par voie orale, comme pour l’homme. Mais leur devenir n’est pas le même selon les mécanismes de digestion de chaque espèce.

Malgré ces biais importants, le soutien de l’aristocratie et des grands propriétaires en faveur de la méthode homéopathique à cette époque encourage l’essor de cette nouvelle médecine. Au début du XIXe siècle, la nouvelle thérapeutique gagne rapidement des adeptes. En France, François Perrussel présente ses travaux devant la Commission d’hygiène hippique au ministère de la Guerre : « Homéopathie, ou la médecine de l’analogie. Proposition d’une réforme fondamentale de la médecine vétérinaire. ». À partir des années 1950, on observe ainsi un renouveau de l’homéopathie. De nombreux auteurs publient des traités et des guides d’homéopathie pour différentes espèces.

 

L’efficacité de l’homéopathie vétérinaire en question

Les premiers doutes d’ampleur générale et institutionnelle sur l’efficacité de l’homéopathie vétérinaire et sa validité scientifique suivent de quelques années les questionnements sur l’homéopathie humaine. En France, ce scepticisme apparaît à partir des années 1980. En effet, les études scientifiques n’arrivent pas à trouver des fondements à cette science qui dilue à l’extrême les substances actives. La communauté scientifique reconnaît en effet que les décisions médicales doivent reposer sur des preuves solides, apportées par la recherche, et sur l’expérience du praticien. Et des preuves solides, il n’y en a pas. De nos jours, la communauté scientifique est même unanime, et il n’y a même plus réellement de controverse sur l’absence de preuves. Cependant, le débat persiste au sein du monde médical et vétérinaire, et plus encore au sein de l’opinion publique.

Pourtant, tant en médecine humaine que vétérinaire, aucune étude clinique n’apporte de preuves scientifiques suffisantes pour soutenir l’efficacité thérapeutique des préparations homéopathiques. Les mécanismes d’action théorisés ne sont pas des preuves suffisantes pour justifier l’utilisation de l’homéopathie. Comme tout traitement, l’homéopathie doit justifier de son efficacité et d’une efficience clinique évaluée de manière rigoureuse et standardisée. Une analyse de la littérature scientifique par l’American Veterinary Medicine Association (Avma) arrive à la conclusion que les études revendiquant un bénéfice des produits homéopathiques sont soit anecdotiques, soit erronées dans leur conception expérimentale ou leur analyse. Elle ne trouve aucune preuve clinique pour soutenir l’utilisation de préparations homéopathiques pour traiter ou prévenir les maladies chez les animaux. Le Merck Veterinary Manual précise qu’aucune étude clinique n’a pu montrer l’efficacité des remèdes homéopathiques versus placebo, quelle que soit la méthode d’analyse utilisée.

À ce jour, les études scientifiques s’accordent donc à dire que les propriétés de l’homéopathie chez l’homme sont de l’ordre de l’effet placebo, tandis que chez l’animal, l’effet contextuel est la seule explication plausible, mais aussi suffisante, des bénéfices de l’homéopathie en l’état actuel de la science. Aucune étude ne permet de soutenir l’efficacité de l’homéopathie en tant que pratique vétérinaire. Et cette absence de preuves scientifiques solides et reproductibles pose un problème de nature éthique dans le contexte d’une médecine vétérinaire qui se veut moderne et efficace. Ainsi, la légitimité de l’homéopathie en tant que spécialité reconnue est mise en cause, de même que le cadre de l’enseignement ou de la formation continue vétérinaire. Pourtant, l’engouement ne faiblit pas.

 

les études revendiquant un bénéfice des produits homéopathiques sont soit anecdotiques, soit erronées dans leur conception expérimentale ou leur analyse

 

L’homéopathie vétérinaire a toujours le vent en poupe

Il n’existe que peu de données sur l’utilisation de l’homéopathie chez l’animal. Il est cependant possible d’affirmer qu’aujourd’hui, malgré les progrès de la médecine vétérinaire et la remise en question de la pratique, l’homéopathie est toujours autant d’actualité. La demande est forte, tant pour les animaux de compagnie qu’en pratique équine et en productions animales. Pourtant, les homéopathes français auditionnés par l’AVF se revendiquent avant tout vétérinaires, exerçant une médecine conventionnelle, avec une activité homéopathique complémentaire. Ainsi, ils sont unanimes pour dire que leur activité homéopathique a des limites. Pour eux, les traitements homéopathiques n’ont pas d’indication directe dans le domaine des maladies infectieuses ou parasitaires, et ne peuvent en aucun cas remplacer les vaccinations. Mais la réalité de la pratique est tout autre. Certains évoquent même l’homéopathie comme un outil médical dans la lutte contre l’antibiorésistance, par exemple.

Ainsi, l’utilisation de l’homéopathique progresse pour les animaux de production, principalement dans les élevages bio, puisqu’ils peuvent être administrés avec un temps d’attente nul dans la viande ou le lait. Et la réglementation n’y est pas opposée. En effet, le règlement de l’Union européenne sur l’agriculture biologique et les mesures françaises d’application préconisent que « les produits comme l’homéopathie soient utilisés de préférence aux médicaments allopathiques chimiques de synthèse ou aux antibiotiques ». Il est toutefois précisé que « ces produits ne peuvent être utilisés qu’à condition qu’ils aient un effet thérapeutique réel sur l’espèce animale concernée et sur l’affection pour laquelle le traitement est prévu ». Et cet effet thérapeutique n’a pour le moment pas été mis en évidence. Pourtant, en France, 60 % des éleveurs interrogés ont recours à l’homéopathie. Une étude montre ainsi que parmi 42 éleveurs certifiés bio depuis plus de cinq ans, 11 soignent leur troupeau uniquement avec l’homéopathie. Au Royaume-Uni, l’homéopathie est la principale alternative aux antibiotiques en agriculture biologique, représentant la moitié des traitements des mammites. Force est donc de constater que l’homéopathie en élevage bio est souvent pratiquée aujourd’hui sous la forme d’automédication par les éleveurs, sans réelle preuve de leur efficacité, ce qui n’est pas sans risque sanitaire ou sans impact sur le bien-être des animaux. Les Académies des sciences, de médecine, de pharmacie et des technologies mettent en garde avec insistance et gravité contre ces pratiques.

 

Les recommandations de l’Académie vétérinaire de France

Avec ce rebond de l’utilisation des pratiques homéopathiques, l’AVF a voulu rappeler quelques points cruciaux et émettre des recommandations quant à la pratique chez l’animal. Elle rappelle que l’homéopathie doit faire ses preuves comme toute autre discipline, en médecine vétérinaire comme en médecine humaine. En l’absence de démonstration scientifique d’efficacité, la plus grande circonspection doit rester de mise dans la présentation qui en est faite, en tant que branche de la médecine notamment. La médecine reste fondée sur des faits et des preuves. Ainsi, tout vétérinaire se doit de s’interroger sur la conformité à l’éthique du traitement des animaux sur la base de phénomènes physiques ou physico-chimiques non connus et qui restent à explorer.

L’AVF recommande de ce fait que l’homéopathie, en médecine vétérinaire, à l’instar de ce qui prévaut en médecine humaine, ne soit pas reconnue ni ne puisse être revendiquée actuellement comme une activité médicale vétérinaire exclusive. Ainsi, aucun diplôme universitaire d’homéopathe ne pourra être délivré et la formation à cette pratique ne pourra s’effectuer que si elle prend en compte les réalités de la démarche scientifique. L’AVF souhaite également que pour la bonne information nécessaire au recueil d’un consentement éclairé, la prescription d’une préparation homéopathique soit assortie d’une mention selon laquelle, en l’état actuel des connaissances, l’homéopathie vétérinaire relève d’un effet contextuel. D’ailleurs, elle préconise que la dénomination même de “médicament homéopathique” soit remplacée par celle de “préparation homéopathique”, et qu’il soit précisé que « l’efficacité de la préparation n’a pas été démontrée selon les normes en vigueur ». Elle espère ainsi freiner l’utilisation de cette thérapie qui n’a pas fait la preuve de son efficacité.

 

 

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