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Cancer chez le chien : l’âge au moment du diagnostic est lié à la race, au poids et au sexe

Une étude incluant plus de 3 000 chiens atteints d’un cancer suggère de généraliser le dépistage dès l’âge de 7 ans, voire dès 4 ans pour certaines races. En effet, un mâle de race de grande taille présentera davantage de risques de contracter la maladie à un âge relativement jeune.

Les chiens peuvent sentir notre stress, littéralement

Les chiens partagent une longue histoire avec notre espèce, ce qui leur confère une étonnante capacité à décrypter les signaux que nous leur envoyons. Ils possèdent également un incroyable sens de l’odorat, qui leur permet de détecter, à partir de leur seule odeur, certaines maladies qui affectent les êtres humains, comme le Covid-19 ou le cancer du poumon. La question de savoir si ces capacités s’étendent à la détection d’odeurs associées à des états psychologiques a en revanche été beaucoup moins explorée.

Mes collègues et moi-même avons voulu déterminer si les chiens pouvaient distinguer, grâce à leur flair, les échantillons d’odeurs prélevés sur une même personne, avant et après qu’elle ait subi un stress. Il faut savoir que lorsque nous sommes stressés, des changements hormonaux et des modifications du système nerveux surviennent et modifient les odeurs produites par notre corps.

Pour déterminer si les chiens pouvaient effectivement détecter de telles différences, nous nous sommes inspirés des protocoles appliqués aux chiens de détection biomédicale, des chiens renifleurs dont les talents sont employés en laboratoire. Nous les avons combinés avec des techniques employées pour tester la façon dont nos compagnons canins perçoivent les odeurs. Nos résultats ont été publiés dans la revue PLOS One.

Le protocole, côté humain

Nous avons dans un premier temps équipé les participants (humains) à l’étude de capteurs destinés à mesurer en continu leur rythme cardiaque et leur pression artérielle. Nous leur avons également demandé d’évaluer leur niveau de stress ressenti avant et après avoir pris part à la tâche que nous leur demandions d’accomplir dans le cadre de cette expérimentation. Il s’agissait d’effectuer un calcul mental rapide, censé induire un stress.

Avant le début de la tâche, les participants ont essuyé un morceau de gaze sur leur nuque, l’ont placée dans un flacon en verre stérile, puis ont expiré dans le flacon. Après la tâche, les participants ont fourni deux autres échantillons de sueur/souffle.

La durée séparant la collecte des échantillons « en état détendu » (avant la tâche) et « en état stressé » (après la tâche) était de quatre minutes. Ce court délai réduit la probabilité que des modifications liées à d’autres événements que le stress de l’exercice n’affectent les participants.

Nous n’avons inclus dans l’étude que les échantillons des participants ayant déclaré qu’ils avaient trouvé la tâche stressante, et dont la fréquence cardiaque et la pression artérielle avaient augmenté pendant l’exercice. En fin de compte, nous avons présenté aux chiens les échantillons de 36 personnes.

 

Le processus de formation des chiens

Les chiens inclus dans cette étude étaient des animaux de compagnie, dont la participation avait été proposée par leurs propriétaires. Ces animaux avaient été entraînés par des chercheurs dans un laboratoire une fois par semaine, en utilisant le renforcement positif (qui consiste à associer un exercice à quelque chose qui représente une récompense pour l’animal, ndlr).

Avant le début de la collecte de données, les chiens ont ainsi appris à faire savoir qu’ils choisissaient un échantillon en se tenant debout et en restant figés au-dessus de celui-ci pendant plusieurs secondes ou en s’asseyant devant lui – une attitude que nous avons dénommée « comportement d’alerte ».

Les animaux ont ensuite été initiés à un jeu d’appariement, via lequel ils ont appris à distinguer des échantillons dont l’odeur était différente. Une fois qu’il a été établi qu’ils avaient réussi ce jeu, ils étaient prêts à participer au test proprement dit.

Lors de ce dernier, nous avons demandé aux chiens de distinguer les échantillons prélevés sur les participants avant et après la tâche arithmétique susmentionnée. Pour leur apprendre quelle odeur ils devaient rechercher lors de chaque session de test, nous leur avons d’abord montré l’échantillon de sueur ou d’haleine de la personne stressée, ainsi que deux échantillons « contrôles » – des morceaux de gazes propres placés dans des flacons en verre stériles, donc sans sueur ni haleine. Les chiens ont été autorisés à flairer les trois échantillons et ont été récompensés lorsqu’ils se sont avérés capables de signaler aux chercheurs l’échantillon de sueur/respiration.

Après dix expositions, un deuxième échantillon d’haleine/de sueur a été ajouté à la liste : l’échantillon détendu de la même personne. C’est à partir de ce moment qu’a commencé le test de «  discrimination  », qui s’est déroulé sur les 20 essais suivants.

 

L’échantillon de stress choisi dans 94 % des cas

Lors de cette phase, les chiens devaient communiquer, par leur comportement d’alerte, l’échantillon qu’ils percevaient comme identique à celui qui leur avait été montré au cours des dix essais précédents, c’est-à-dire l’échantillon qui avait pour eux l’odeur de l’échantillon de stress. Des contrôles ont été mis en place pour vérifier que les chiens ne s’appuient pas sur d’autres informations que celles en lien avec l’échantillon testé pour les aider dans leurs choix (tels qu’une odeur qui persisterait sur les dispositifs de présentation des échantillons, ou une aide visuelle inconsciemment fournie par l’expérimentateur).

Dans le cas où les deux odeurs présentées paraissent similaires au chien renifleur, on peut s’attendre à ce qu’il choisisse l’une ou l’autre par hasard. Si les deux odeurs lui semblent distinctes, il devrait en revanche être capable de trouver systématiquement l’odeur qui lui a été présentée initialement lors de leur formation (l’odeur « de stress »). Chaque ensemble d’échantillons provenant des participants n’a été utilisé qu’une seule fois, de sorte que les chiens se sont vu présenter les échantillons provenant d’un participant différent au cours de chaque session.

Résultat : dès leur première exposition aux échantillons « de stress », les chiens ont trouvé qu’ils avaient une odeur spécifique. Ils ont en effet correctement choisi l’échantillon de stress dans 94 % des 720 essais. Le fait d’avoir été soumis à un exercice de calcul mental qui les a stressés a donc bien provoqué une modification des odeurs produites par le corps des participants.

Il convient toutefois de souligner que cette étude ne détermine pas si les chiens ont perçu les échantillons de stress comme reflétant un état émotionnel négatif. Il est probable que, dans la vie réelle, les chiens utilisent divers indices contextuels, tels que notre langage corporel, le ton de notre voix ou notre rythme respiratoire, pour les aider à comprendre une situation.

Ces résultats fournissent cependant des preuves solides que l’odeur du stress est également un élément que les chiens peuvent percevoir. Ils permettent de mieux comprendre comment les chiens perçoivent les états psychologiques humains et interagissent avec eux.

Au-delà d’une meilleure appréhension de la relation qui nous uni à nos compagnons canins, ces connaissances pourraient également être utiles pour mieux former les chiens d’assistance aux personnes souffrant d’anxiété et de trouble de stress post-traumatique, lesquels sont actuellement dressés pour répondre principalement à des signaux visuels.

The Conversation

Clara Wilson, PhD Candidate, Psychology, Queen’s University Belfast

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

IAHP : quels sont les effets de l’influenza aviaire hautement pathogène sur les canidés ?

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Le 29 mars 2022, une mortalité importante de corbeaux dans un jardin public de Sapporo au nord du Japon a interpelé les scientifiques, d’autant qu’un renard roux et un chien viverrin japonais en ont fait les frais. Que s’est-il passé ?

 

Les cas d’humains infectés par le virus IAHP H5N1 sont extrêmement rares. L’élimination systématique des troupeaux infectés a permis, pour le moment, de limiter les épidémies à travers le monde. Mais la surveillance 2021-2022 a révélé une diffusion sans précédent du virus dans l’avifaune sauvage quasiment sur tous les continents.

L’enquête épidémiologique et les examens microbiologiques des trois espèces ont permis d’établir qu’il était fort probable que le chien renard et le chien viverrin aient été infectés par le virus IAHP par contact avec les corbeaux malades, avec une nuance : les voies de contact ont été différentes, créant des effets de la maladie également différents chez les deux espèces de canidés impliquées.

L’analyse de ces virus IAHP a montré que les trois sources étaient en fin de compte étroitement liées les unes aux autres

Les corbeaux sont d’ailleurs plus sensibles à la souche actuelle, ce qui expliquerait le nombre de cas dans l’étude.

L’autopsie des canidés a révélé que le virus IAHP avait infecté leurs voies respiratoires supérieures mais également le cerveau du renard, ce que d’autres études avaient déjà mentionné.

Quant au chien viverrin, même s’il a survécu à l’infection aigüe, le virus a fortement endommagé ses yeux. L’étude des récepteurs cellulaires des virus de la grippe dans son système respiratoire suggère aussi que cette espèce pourrait assez à l’infection par le virus IAHP.

Une analyse plus approfondie a révélé que les virus des trois sources étaient étroitement liés les uns aux autres, bien qu’ils ne soient pas complètement identiques.

Dans ce cas au Japon, il est fort probable que H5N1 ait infecté un groupe de corbeaux provoquant une mortalité massive de ces oiseaux, avant de toucher le renard roux en consommant des cadavres de corbeaux. Pour ce qui est du chien viverrin, un contact étroit avec des cadavres aurait suffi à l’infecter.

A noter que plusieurs infections de mammifères carnivores sauvages sont répertoriées depuis plusieurs mois. Des cas de carnivores domestiques également.

De l’urgence de déployer une surveillance de la faune sauvage pour mieux identifier l’écologie du virus et les facteurs de risque de propagation dans la nature.

 

Actualité le 03 janvier 2023 : Un chat infecté par le virus de la grippe aviaire hautement pathogène A(H5N1) en France

ANSES: L’influenza aviaire en 6 questions

 

 

Loque américaine : vers un vaccin pour protéger les abeilles

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Une étude d’efficacité montre que les abeilles nées de reines vaccinées contre la loque américaine sont plus résistantes que celles issues de ruches dont la reine n’est pas vaccinée. Cette vaccination réduirait le risque d’infection des larves d’abeilles par la bactérie de 30 à 50 %. Il s’agit du premier essai randomisé d’un vaccin destiné à des insectes et constitue un tournant dans la gestion des maladies chez les abeilles.

Pollution aux microplastiques : des conséquences graves pour la santé animale… et humaine

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Le septième continent est devenu tristement célèbre ces dernières années. Il est globalement constitué de cinq gyres de plastiques à travers le monde. Les conséquences pour la faune et la flore marines sont dramatiques. Les premières études scientifiques alertent sur les conséquences pour la santé humaine.

Antibiotiques : « l’antibiorésistance est une pandémie silencieuse »

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Depuis leur découverte au début du XXe siècle, les antibiotiques ont transformé la médecine, humaine comme animale, en permettant de faire reculer de nombreuses maladies bactériennes. Mais leur utilisation s’est accompagnée de l’émergence de souches résistantes qui menacent leur efficacité.

Pour freiner le grave risque que représente l’antibiorésistance pour la santé publique mondiale, certains pays ont pris des mesures drastiques, notamment en ce qui concerne les pratiques d’élevage. D’autres, au contraire, tardent à agir.

Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) font le point sur la situation et nous expliquent pourquoi il est si difficile de prendre des mesures à la hauteur de la menace.

 


The Conversation : Pourquoi utilise-t-on des antibiotiques en élevage ?

Jean-Yves Madec : On donne des antibiotiques aux animaux pour les mêmes raisons qu’on en donne aux êtres humains : pour soigner leurs maladies bactériennes.

Parmi les maladies d’importance en élevage, citons les infections de la mamelle chez les bovins. Une vache développe une mammite quasiment chaque année. Il est aussi très fréquent que les jeunes animaux soient victimes de diarrhées au moment où ils passent d’une alimentation lactée à une alimentation diversifiée. Ces périodes de transition alimentaires sont très problématiques, les animaux subissent des infections et doivent être traités par des antibiotiques.

Au-delà des grandes maladies d’élevage, l’emploi d’antibiotiques en médecine vétérinaire concerne également les animaux de compagnie, qui vont être traités pour certaines pathologies, suite à des chirurgies, ou parce qu’ils développent des maladies dues à la vieillesse, puisque contrairement aux animaux d’élevage, qui sont abattus bien avant leur durée de vie maximale, chiens et chats sont menés jusqu’au bout de leur vie.

 

TC : Mais dans certains pays, les antibiotiques sont également utilisés comme « promoteurs de croissance ». Pourquoi ?

JYM : Dans de nombreux pays, les antibiotiques sont en effet administrés alors que l’animal n’est pas malade. Il s’agit d’une sorte de béquille destinée à soutenir un élevage déficient, notamment en raison de mauvaises pratiques d’hygiène.

Il se trouve que lorsqu’on donne un antibiotique à des poulets qui vivent dans des conditions d’élevage dégradé, il va avoir un effet assainissant. La question de savoir si l’antibiotique à un réel effet sur la croissance reste très débattu, il n’y a pas vraiment de preuve scientifique pour l’instant. Mais il est certain qu’il va aider les animaux à survivre malgré de mauvaises conditions d’élevage.

 

TC : Cet usage déviant est particulièrement problématique, car la grande majorité des molécules antibiotiques utilisées chez l’être humain et chez l’animal sont les mêmes…

JYM : Oui. On estime généralement qu’environ 80 % des antibiotiques sont communs aux médecines vétérinaire et humaine. Parmi ces antibiotiques communs figurent cependant des antibiotiques à large spectre d’intérêt pour l’être humain.

Les 20 % restant comprennent des antibiotiques restreints à l’usage humain dont on préserve ainsi l’efficacité à l’hôpital, comme les carbapénèmes, de puissants antibiotiques à large spectre, ou des antibiotiques qui ne sont plus utilisés en médecine humaine parce que l’on a trouvé mieux, mais qui continuent à être utilisé en médecine vétérinaire.

 

TC : Le risque est donc que des bactéries résistantes émergent chez l’animal et se transmettent à l’être humain ?

JYM : Oui. Quelques cas ont été documentés. Au début des années 2000, par exemple, on a constaté aux Pays-Bas et au Danemark que des souches de staphylocoques dorés résistants aux antibiotiques, isolées à l’hôpital, provenaient en fait d’élevages de porc.

Des exemples de salmonelles à l’origine d’infections alimentaires et résistantes aux antibiotiques provenant elles-aussi d’élevages ont également été documentés. Le nombre de cas connus est cependant limité, probablement parce que l’on n’arrive pas à tous les retracer.

C’est d’ailleurs un problème : de nombreux pays, dont les États-Unis, qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance, demandent pour changer leurs pratiques à ce que l’on prouve que la diminution de l’emploi des antibiotiques en médecine vétérinaire peut faire baisser les antibiorésistances à l’hôpital. Or ce lien n’est pas évident à établir. Il n’a pas été mis en évidence en France, par exemple.

Dans notre pays, l’exposition des animaux aux antibiotiques d’importance critique pour l’humain a été diminuée de 90 % au cours des dernières années. Or si l’on a vu une forte diminution des résistances à ces antibiotiques chez les animaux, cela ne s’est pas traduit par une diminution des résistances à l’hôpital. Toutefois, cela ne signifie pas que l’impact soit nul. Cela indique surtout que de nombreux facteurs sont à l’origine de l’émergence de résistances.

Ces quelques exemples connus démontrent cependant que lorsqu’on utilise des antibiotiques, on sélectionne forcément des résistances. Pour agir, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir des preuves absolues et définitives pour chaque antibiotique…

 

TC : La possibilité que des résistances émergent dans les élevages et se propagent est d’autant plus préoccupante que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère l’antibiorésistance comme une menace majeure pour la santé publique.

JYM : Oui. Selon un rapport britannique repris par l’OMS, à l’horizon 2050, l’antibiorésistance sera à l’origine de 10 millions de morts par an dans le monde, soit cinq fois plus qu’à l’heure actuelle. Il s’agit véritablement d’une pandémie silencieuse, qui aura des conséquences qui s’étendront bien au-delà du traitement des maladies infectieuses. Faire de la chirurgie pourrait devenir plus difficile, par exemple, puisque le risque de complications postopératoires suite à des infections pourrait augmenter.

Le problème est que développer de nouveaux antibiotiques est une tâche difficile, très onéreuse, de longue haleine, pour laquelle le retour sur investissement potentiel est très long. Mieux vaut donc préserver ceux dont on dispose.

Dans cette optique, l’OMS a reclassé les antibiotiques en trois catégories (access, watched et reserved). Cette dernière catégorie concerne des antibiotiques qui ne devraient être utilisés qu’en médecine humaine.

Mais selon les pays et les continents, les usages des antibiotiques sont plus ou moins régulés. Si la réglementation européenne est très claire sur ce qu’il faut utiliser comme antibiotique, dans quelle indication, certains pays, comme le Brésil, cadrent moins les usages. On peut ainsi parfois trouver des antibiotiques de dernière génération dans l’alimentation des poulets…

 

TC : Les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps déjà pour alerter sur les conséquences de l’antibiorésistance. Comment expliquer que les décideurs politiques semblent tarder à réagir ?

Florent Parmentier : On peut effectivement se demander pourquoi une catastrophe sanitaire de cette ampleur ne figure pas sur l’agenda politique. Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment un sujet, quel qu’il soit, devient un objet de préoccupation pour les responsables des politiques publiques.

L’analyse des dites politiques publiques nous apprend qu’une première étape importante est le processus de « mise en visibilité ». Clairement, dans le cas de l’antibiorésistance, il est difficile à mettre en œuvre, car il s’agit d’un phénomène qui se développe à bas bruit. Certes, la menace est déjà là, mais elle ne deviendra visible qu’à mesure que l’arsenal d’antibiotiques efficaces diminuera… Or, pour que la mise en visibilité fonctionne, il faut qu’un certain nombre d’acteurs prennent conscience des enjeux.

Les littératures de l’imaginaire (les « fictions spéculatives » selon la politologue Virginie Tournay) nous disent à quel point nous sous-estimons cette menace : si une vaste littérature a pour sujet le risque que représente pour l’humanité l’émergence d’un virus très pathogène, l’antibiorésistance n’apparaît guère que dans un seul ouvrage, Résistants, de Thierry Crouzet…

 

TC : Un autre problème est que les enjeux liés à l’antibiorésistance sont également géopolitiques…

FP : Effectivement. L’antibiorésistance est un enjeu de politique intérieure essentiel, qui pèse sur notre contrat social, autrement dit notre capacité à faire face à des risques collectifs, ou à des risques individuels de manière collective. Mais c’est aussi un enjeu de positionnement des puissances les unes par rapport aux autres.

La pandémie de Covid a rappelé que les questions de santé et la géopolitique sont fortement liées : disponibilité des masques, des vaccins, voire des substances qui entrent dans leur composition. Un vaccin, ce sont 200 substances qui sont agrégées. En fonction de qui les détient, la géopolitique joue un rôle.

Les questions géopolitiques influent aussi sur la lutte contre l’antibiorésistance. Il faut rappeler par exemple rappeler que la mauvaise utilisation des antibiotiques dans les élevages a commencé dans les pays industrialisés. Difficile aujourd’hui de reprocher aux pays du Sud de les employer de la même façon, alors qu’ils cherchent à augmenter leur production de viande pour faire face aux demandes de leurs populations.

JYM : Le problème est que l’usage d’antibiotiques dans un pays peut entraîner des résistances dans un autre, si des animaux porteurs de bactéries résistantes sont ensuite exportés. C’est arrivé en Suède, par exemple. Dans ce pays, il n’existait pas de résistance aux antibiotiques de la famille des céphalosporines, critiques pour la santé humaine. Jusqu’au jour où les autorités en ont détecté dans 20 à 40 % des poulets élevés dans le pays. La raison : une importation de poussins depuis l’Angleterre, qui avait une pratique d’administration de ce type d’antibiotiques…

 

TC : Quelles sont selon vous les mesures à mettre en œuvre pour limiter les risques, et parvenir à la « mise en visibilité » mentionnée précédemment ?

JYM : Il existe deux leviers principaux. Le premier est évidemment d’utiliser moins d’antibiotiques. De façon intéressante, la diminution drastique de l’usage de certains antibiotiques en France n’a pas été associée à une augmentation de la mortalité dans les élevages, ce qui signifie que beaucoup de ces usages étaient probablement superflus.

Le second levier est de travailler sur des alternatives non médicamenteuses. De gros progrès ont été faits sur la zootechnie, la biosécurité : éviter que les microbes n’entrent dans les élevages, construire des circuits isolés, propres, sains…

Dans les pays à faibles revenus, où le fardeau de l’antibiorésistance est très fort, comme en Asie du Sud-Est, en Inde ou en Chine, on n’arrivera pas à résoudre le problème si l’on ne traite pas en même temps les questions liées à l’élevage lui-même. Autrement dit, on ne pourra pas demander aux éleveurs d’arrêter les antibiotiques sans résoudre les problèmes de conduite d’élevage. Au contraire, c’est une fois que les pratiques d’élevages auront été transformées que l’utilisation d’antibiotiques diminuera.

Au plan politique, nous sommes à la croisée des chemins : le constat est qu’il faudrait définir les antibiotiques comme un bien commun, et à ce titre mettre en place une stratégie pour les préserver. Celle-ci ne devrait toutefois pas être centrée uniquement sur les besoins médicaux.

Il faudrait avoir une discussion intersectorielle sur la base du constat que l’antibiotique est important pour tout le monde : non seulement pour soigner les gens, mais aussi pour leur donner une sécurité alimentaire, ou encore maintenir le tissu industriel du médicament vétérinaire et ainsi s’assurer que ces médicaments continueront à être produits.

FP : Si l’on veut faire de l’antibiotique un bien public mondial, le corollaire est qu’il faut établir une coalition internationale sur le sujet. Dans ce contexte, l’Union européenne peut devenir une puissance normative, selon le concept popularisé en France par Zaki Laïdi. Il faudrait pour cela que les dirigeants européens se mettent d’accord, comme ils ont pu le faire en matière climatique, dans les années 1990 : à cette époque, ils ont été capables de mettre à l’agenda mondial les problématiques de changement climatique, alors même que les États-Unis n’étaient pas mobilisés.

L’Europe a tout récemment fait figurer dans son règlement vétérinaire l’interdiction d’importer des denrées alimentaires issues d’animaux provenant de pays qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance. En imposant des normes de ce type à son marché intérieur, et à ceux qui veulent y accéder, l’Europe peut encore peser.

Cependant, son poids dans la richesse mondiale tend à diminuer relativement au niveau mondial, ce qui veut dire que sa capacité à influer baisse également. Il faut donc qu’elle trouve d’autres acteurs avec lesquels travailler, particulièrement dans son voisinage.

Considérer les antibiotiques comme un bien commun signifie aussi de mettre en place des financements conséquents pour soutenir la recherche et inciter les industriels à s’intéresser à ce domaine, dont les retours sur investissement sont de long terme.

JYM : Pour conclure, un point intéressant à souligner est que les consommateurs ont aussi un rôle important à jouer. Aux États-Unis, ce sont eux qui ont le plus fait bouger les choses. En souhaitant changer leur alimentation, ils ont fait pression sur les fast-foods, les industriels, qui ont modifié leurs comportements avant que ne se fasse sentir une quelconque pression politique.

The Conversation

Jean-Yves Madec, Directeur Scientifique Antibiorésistance de l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Florent Parmentier, Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Dépistage de la Covid-19 : les chiens renifleurs obtiennent d’excellents résultats en situation réelle

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Cas de rage en France : appel à témoins du ministère de l’Agriculture

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L’essor de l’élevage intensif augmente-t-il le risque pandémique humain ?

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La pandémie mondiale de Covid-19 a remis en lumière un débat plus ancien sur le rôle des transformations opérées par notre espèce sur son environnement naturel dans les émergences de maladies infectieuses. L’impact de l’élevage dit intensif est, en particulier, l’objet d’une vive controverse. Celle-ci rejoint une remise en cause plus large de ce mode d’élevage, en raison de son atteinte au bien-être animal et de la pollution environnementale qu’il génère.

Cependant, peu d’arguments scientifiques sont disponibles pour étayer l’hypothèse d’une contribution de l’intensification de l’élevage aux émergences de pandémies.

Maladies émergentes et zoonoses

Il convient d’abord de clarifier ce que nous appelons « maladie émergente » et « élevage intensif ». S’il est communément admis que plus de 60 % des maladies dans ce cas de figure depuis le milieu du XXe siècle sont d’origine animale, la grande majorité des pathogènes concernés ont pour réservoir naturel une population animale, c’est-à-dire qu’ils se transmettent principalement chez les animaux et engendrent sporadiquement des foyers d’infection chez les humains qui ne donnent pas lieu à une circulation durable dans la population humaine.

Ces maladies sont qualifiées de « zoonoses », terme qui englobe, à la base, toutes les maladies transmises de l’animal à l’Homme. L’influenza aviaire hautement pathogène est probablement l’exemple le plus médiatisé. Cette zoonose émergente s’est établie durablement dans des populations d’animaux d’élevage, en l’occurrence les volailles de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique, et menace maintenant l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces virus grippaux causent des maladies sévères, mais ne se transmettent pas de façon pérenne chez nous.

Vue d’un élevage de canards avec une densité élevée de volailles
Les élevages de volailles d’Asie (ici de canards, au Viet Nam) sont désormais durablement touchés par les épidémies d’influenza aviaire, zoonose émergente particulièrement pathogène pour ces animaux.
Nguyen Van Bo-Alexis Delabouglise, Author provided

 

A contrario, l’émergence d’une maladie humaine implique un véritable saut d’espèce : le pathogène doit s’adapter à ce nouvel hôte de telle sorte que sa circulation soit assurée en dehors de son réservoir animal initial. C’est le cas des coronavirus SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, respectivement à l’origine de la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), et du Covid-19, qui ont émergé respectivement en 2002 et 2019 vraisemblablement à partir d’un réservoir animal sauvage. C’est également le cas du virus de l’immunodéficience humaine (HIV), initialement une zoonose transmise par les grands singes.

Si plusieurs maladies humaines anciennes résultent bien de sauts d’espèce à partir d’un réservoir animal domestique – c’est le cas de la rougeole et de la coqueluche notamment –, ce phénomène reste rarissime si on le replace à l’échelle de la domestication animale, qui s’étale sur des dizaines de milliers d’années.

 

La difficulté de caractériser l’élevage intensif

La notion d’intensification de l’élevage n’est pas moins complexe. Si aucune définition officielle de l’élevage intensif n’existe, il est communément admis qu’elle renvoie à un ensemble d’évolutions des pratiques d’élevage ayant eu lieu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’abord dans les pays industrialisés ensuite dans les pays émergents et à faible revenu, visant à diminuer le coût de production des denrées d’origine animale.

Plus spécifiquement, l’intensification a réduit le besoin en surface agricole et en main-d’œuvre nécessaire pour produire une quantité donnée de produits animaux. Ce gain de productivité a été obtenu de plusieurs façons, notamment grâce à l’amélioration génétique et la mécanisation.

L’intensification s’accompagne généralement d’une augmentation du nombre d’animaux par exploitation, d’une spécialisation des élevages dans une étape donnée de la production (sélection génétique, reproduction, engraissement), et de leur intégration croissante à des circuits commerciaux complexes et globalisés.

L’intensification n’est toutefois pas un processus uniforme et a pris des modalités différentes en fonction des contextes socio-économiques et institutionnels dans lesquels elle s’est développée. La maîtrise des risques sanitaires dans les élevages commerciaux de moyenne à grande échelle semble ainsi très influencée par le degré d’accompagnement des pratiques d’élevage par l’État, l’accès des éleveurs aux crédits et aux services vétérinaires, et par les mesures de transparence mises en place dans les filières animales.

Le lien complexe entre ces deux notions

Une fois les définitions posées, reste la question essentielle du lien causal entre l’intensification de l’élevage et l’apparition de nouvelles maladies humaines. On voit bien qu’une démonstration semble impossible, au vu de la rareté des émergences de maladies humaines à partir de réservoirs animaux domestiques et de la relative nouveauté du processus d’intensification de l’élevage.

Deux exemples de zoonoses virales nous éclairent cependant sur la manière dont l’élevage intensif pourrait, à l’avenir, contribuer aux émergences :

● Le premier exemple est celui de l’influenza aviaire hautement pathogène due à H5N1, identifiée en Chine en 1997 avant sa propagation mondiale à partir de 2003. Les zones d’apparition du sous-type H5N1 combinent de fortes densités de volailles domestiques et des caractéristiques paysagères (zones humides) propices aux interfaces avec les oiseaux sauvages aquatiques. Les études réalisées dans différents pays d’Asie du Sud-Est montrent le rôle des élevages commerciaux et des réseaux de commerce des volailles comme accélérateurs de la propagation du virus dans les populations animales, à différentes échelles.

● Un autre exemple éloquent est celui de l’encéphalite à Nipah, transmise par le porc domestique, qui a émergé en Malaisie en 1998. La combinaison d’élevages de porcs et de cultures de mangue à grande échelle a favorisé les contacts entre chauves-souris frugivores, réservoir sauvage du virus, et porcs domestiques, puis la transmission du virus a été favorisée par la concentration des porcs en grand nombre dans les élevages et le transport de porcs vivants via les réseaux commerciaux.

Un lien entre les pratiques liées à l’élevage intensif et l’accroissement de la virulence – c’est-à-dire la dangerosité des infections – de certains pathogène a également été documenté, notamment pour le virus de la maladie de Marek qui touche les poulets et n’est pas zoonotique.

Les mécanismes de cette sélection adverse pour des formes plus virulentes de pathogènes sont complexes. Ils sont liés notamment au regroupement des animaux en grande densité, à leur durée de vie plus courte et à la sélection des reproducteurs sur la base de leur productivité et non de leur résistance aux maladies – contrairement aux mécanismes de sélection à l’œuvre dans les formes d’élevages plus extensives.

Des pathogènes plus virulents chez les animaux seraient, en cas de transmission humaine, plus susceptible de causer des symptômes prononcés chez notre espèce également. C’est une hypothèse proposée pour expliquer la sévérité des infections dues au sous-type H5N1 de l’influenza aviaire hautement pathogène, mais qui n’a pas été étayée à ce jour.

Enfin, les échanges commerciaux d’animaux vivants à large échelle favorisent l’échange de matériel génétique entre souches virales éloignées, favorisant ainsi l’apparition de nouvelles souches capables de transmission à l’homme. Ces phénomènes, appelés « recombinaison virale », sont particulièrement fréquents et redoutés dans le cas de l’influenza aviaire et porcine.

Prévoir pour éviter une catastrophe

On le voit, l’absence de preuve définitive d’un lien entre intensification de l’élevage et risque pandémique ne nous dispense pas d’anticiper et prévenir les risques potentiels futurs.

Pays industrialisés et pays émergents font cependant face à des situations contrastées. Dans les premiers, les pratiques de l’élevage intensif, implantées depuis longtemps, sont associées à des dispositifs visant à surveiller de très près les émergences et à limiter la diffusion des maladies.

Les deuxièmes font face à une expansion rapide de l’élevage de grande échelle, pour répondre à l’urbanisation accélérée de la population et à une demande croissante en protéines animales. Cette expansion doit faire l’objet d’un accompagnement des services de l’État et de mesures de transparence et de surveillance sanitaire acceptables pour les populations rurales.

Ces efforts garantiront, à terme, que la satisfaction des besoins croissants des populations en protéines animales ne se fasse pas aux dépens de la santé publique.

The Conversation

Alexis Delabouglise, Researcher, socio-economist of animal health, Cirad; François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, Cirad; Marisa Peyre, Deputy head of ASTRE research unit, epidemiologist, Cirad et Mathilde Paul, Professeur en épidémiologie, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Le changement d’heure entraîne une surmortalité chez la faune sauvage

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Une étude publiée quelques jours après le passage à l’heure d’hiver montre les effets néfastes d’un tel décalage horaire en termes de sécurité routière. Maintenir l’heure d’été toute l’année réduirait significativement le nombre de collisions avec les animaux, en réduisant la circulation à la tombée de la nuit.

Myxomatose : quand les virus deviennent plus mortels au fil du temps

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