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Antiobiorésistance chez l’animal : quels risques et conséquences ?

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Antiobiorésistance chez l’animal : quels risques et conséquences ?

La résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. C’est un phénomène qui concerne la santé humaine, mais touche également la santé animale et celle de l’environnement. Il est donc important de combattre l’antibiorésistance sur tous les fronts. Les antibiotiques ne sont pas automatiques, pour les vétérinaires aussi !

 

L’homme subit les pandémies bactériennes depuis la nuit des temps. Longtemps impuissant face à ces agressions microscopiques, il a depuis peu découvert des outils pour lutter contre ces agents pathogènes. En 1928, Alexander Fleming découvre par hasard la pénicilline, capable de venir à bout des infections bactériennes. Aujourd’hui encore, c’est l’un des nombreux antibiotiques qui protègent les populations humaines contre les microbes et ont révolutionné la médecine moderne. Mais cette protection s’estompe. Non seulement les nouvelles molécules antibiotiques se font de plus en plus rares (la dernière découverte remonte à plus de trente ans), mais les bactéries évoluent pour contrer les armes dont nous disposons déjà.

 

La menace des bactéries résistantes

Au cours du dernier siècle, l’utilisation excessive ou inappropriée des antibiotiques a entraîné le développement de résistances chez les bactéries. Et plus ces médicaments sont utilisés de manière inappropriée, plus cette résistance est susceptible de se développer rapidement. Certains antibiotiques sont même devenus complètement inutiles face à des souches bactériennes particulières. Aussi grave que la flambée soudaine d’une maladie mortelle, ce manque d’antibiotiques efficaces est une menace pour la sécurité sanitaire mondiale. Les agents pathogènes multirésistants sont responsables d’environ 700 000 décès par an dans le monde, dont 25 000 personnes dans l’Union européenne et 5 500 en France.

Et cette tendance n’est pas près de s’inverser. En dix-huit ans, la proportion de bactéries qui ne répondent plus aux traitements a triplé. Au rythme où les bactéries multirésistantes se développent, il se peut que d’ici à quelques années, l’homme se retrouve sans défense face à des maladies qui aujourd’hui peuvent être traitées rapidement. D’ici à 2050, ce fléau pourrait même faire plus de dix millions de victimes. Pour éviter le pire, des politiques coordonnées au niveau international ont été mises en place dans le but de réduire les souches antibiorésistantes, de lutter contre le mauvais usage des antimicrobiens et de développer des solutions alternatives.

 

La résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. C’est un phénomène qui concerne la santé humaine, mais touche également la santé animale et celle de l’environnement. Il est donc important de combattre l'antibiorésistance sur tous les fronts. Les antibiotiques ne sont pas automatiques, pour les vétérinaires aussi !

 

Combattre la résistance sur tous les fronts

Ces actions ne concernent pas seulement la santé humaine. Tous les bénéficiaires des antibiotiques jouent un rôle dans l’apparition de souches résistantes. Une action forte et durable dans l’ensemble des secteurs est donc indispensable pour contrer la vague de résistance aux antimicrobiens et préserver la santé des habitants de la planète. Malheureusement, les efforts se sont trop souvent concentrés sur la mauvaise utilisation des antimicrobiens dans les infections humaines. Mais par ses multiples interactions avec l’environnement, l’activité humaine contribue à diffuser les résistances dans l’eau, le sol ou la nourriture. Les animaux, les plantes et l’environnement qui sont souvent laissés de côté, contribuent malgré eux à la propagation de la résistance aux antibiotiques.

Il ne faut pas oublier que souvent les bactéries ne se cantonnent pas à infecter une seule espèce. De nombreuses bactéries zoonotiques peuvent ainsi passer de l’homme à l’animal et vice versa. En outre, des bactéries différentes peuvent se transférer des gènes de résistance aux antibiotiques. Surtout que de nombreux antibiotiques importants pour la santé humaine sont également utilisés chez les animaux. Dans certains pays, près de 80 % des antibiotiques importants pour la médecine humaine sont aussi utilisés en médecine vétérinaire.

La santé animale est donc partie prenante de l’équation, comme l’ont récemment montré des chercheurs américains de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health. Le séquençage de l’ADN des bactéries retrouvées chez le porc et l’homme dans la zone à forte concentration d’élevages intensifs de l’est de la Caroline du Nord, aux États-Unis, met en évidence une propagation importante de souches de Staphylococcus aureus multirésistantes entre les porcs, les éleveurs et leur famille et les habitants de la région. Mais cette menace émergente pour la santé publique n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Les espèces de rente sont en réalité de plus grandes consommatrices d’antibiotiques que l’homme. Les éleveurs les utilisent pour soigner leurs animaux, mais pas seulement. Pour des raisons économiques et de praticité, les antibiotiques sont souvent administrés en prophylaxie, pour prévenir les maladies avant même qu’elles n’apparaissent, et promouvoir la croissance du bétail. La concentration des animaux dans les élevages (qui accroît donc le risque de contagion), explique en partie cette forte consommation, similaire à celle de l’hôpital par rapport à la médecine de ville. Et sous l’effet de la demande grandissante en produits d’origine animale, qui proviennent en majorité d’élevages intensifs peu regardants quant à l’usage raisonné des antibiotiques, le volume des molécules utilisées chez les animaux continue de croître partout dans le monde. Cette surconsommation a des effets négatifs directs. Dès les années 1950, par exemple, l’administration d’antibiotiques aux espèces de production aurait rendu la bactérie Salmonella résistante à l’ampicilline, un antibiotique à large spectre parmi les plus utilisés dans le monde, avant même sa commercialisation pour l’homme.

 

La résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. C’est un phénomène qui concerne la santé humaine, mais touche également la santé animale et celle de l’environnement. Il est donc important de combattre l'antibiorésistance sur tous les fronts. Les antibiotiques ne sont pas automatiques, pour les vétérinaires aussi !

 

Les antibiotiques pas automatiques, même chez l’animal

Limiter l’utilisation des antibiotiques chez les animaux destinés à l’alimentation humaine suffirait pourtant à réduire de près de 39 % la présence de bactéries résistantes chez ces espèces. L’OMS recommande d’ailleurs fortement une réduction globale de l’utilisation de toutes les classes d’antibiotiques importants pour la médecine humaine chez les animaux de rente, et notamment l’abandon de leur usage comme promoteurs de croissance et à titre préventif, en l’absence de maladie déclarée. Les antibiotiques administrés aux animaux devront être sélectionnés parmi ceux recensés par l’OMS comme les “moins importants” pour la santé humaine, et non parmi ceux classés comme “d’importance critique, les plus prioritaires”.

De plus, les animaux sains ne devront recevoir des antibiotiques que pour prévenir une maladie diagnostiquée chez d’autres animaux du même troupeau, du même élevage ou de la même population dans le cas des poissons. De nombreux pays ont ainsi déjà pris des mesures pour réduire l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux de rente. Depuis 2006 par exemple, l’Union européenne a interdit l’utilisation d’antibiotiques pour favoriser la croissance des animaux. Pour remplacer ces molécules dans la prévention des maladies chez l’animal, il est notamment proposé d’améliorer l’hygiène, de recourir à la vaccination et de modifier les pratiques d’élevage. En novembre 2009, un comité national pour un usage raisonné des antibiotiques a été mis en place afin de coordonner les actions dans le domaine vétérinaire. Plus récemment, le Parlement européen a demandé « que soient consentis de nouveaux efforts dans la lutte contre la résistance aux agents antimicrobiens en médecine humaine », soulignant notamment que l’accent doit être mis « sur la synergie avec les mesures destinées à lutter contre la résistance aux antimicrobiens en médecine vétérinaire, dans l’alimentation animale et les cultures agricoles ».

Les porcs et les volailles sont les animaux les plus concernés par les souches résistantes et les efforts internationaux, car ils sont également les plus produits (souvent dans les moins bonnes conditions) en particulier dans les pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Turquie, Iran, Kenya). Dans ces pays où la demande augmente, l’agriculture et l’élevage s’industrialisent à grands pas et les professionnels n’apprennent plus à soigner leurs animaux, ce qui crée une forte dépendance à l’utilisation de médicaments. Une action forte et durable, avec un accent mis sur l’ensemble des secteurs, est indispensable pour contrer la vague de résistance aux antimicrobiens et préserver la santé des habitants de la planète. Les agriculteurs et les vétérinaires font donc tout autant partie de la solution que les médecins.

 

La résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. C’est un phénomène qui concerne la santé humaine, mais touche également la santé animale et celle de l’environnement. Il est donc important de combattre l'antibiorésistance sur tous les fronts. Les antibiotiques ne sont pas automatiques, pour les vétérinaires aussi !

 

Tous les animaux concernés, domestiques et sauvages

Les souches bactériennes résistantes peuvent apparaître chez les poulets et les bovins, mais aussi chez les rats ou encore des hôtes moins évidents comme des araignées ou des serpents, réservoirs de bactéries zoonotiques virulentes comme les salmonelles.

La question des animaux de compagnie se pose inévitablement dans ce contexte. Mais leur rôle dans la transmission de bactéries résistantes aux antibiotiques reste encore peu documenté. À ce jour, leur impact réel dans le développement de l’antiobiorésistance n’est pas quantifié. Il existe en effet très peu d’études sur la consommation d’antimicrobiens en médecine vétérinaire canine ou féline aujourd’hui. Ce qui est certain, c’est qu’en dépit des spécificités humaines ou animales, les bactéries sont les mêmes, ainsi que les antibiotiques utilisés. Il ne serait donc pas surprenant que les animaux hébergés dans nos foyers participent aussi à la propagation de la résistance aux antibiotiques. Des chercheurs britanniques ont notamment découvert dans un hôpital pour animaux un gène qui permet aux bactéries d’être très résistantes au linézolide, un antibiotique que les médecins utilisent pour traiter les infections graves chez l’homme.

La prochaine étape est donc de quantifier l’impact réel de la mauvaise ou surprescription en médecine vétérinaire de ville. Le projet DYASPEO (dynamique de la propagation, de la persistance et de l’évolution de l’AMR entre l’homme, les animaux et leur environnement) va notamment s’appuyer sur une étude épidémiologique menée auprès des propriétaires de 500 chiens sur une durée de six ans. Les résultats pourraient conduire à une évolution des stratégies de contrôle de la transmission de l’antibiorésistance au niveau européen, pour mieux prendre en compte le rôle des animaux de compagnie.

 

La résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. C’est un phénomène qui concerne la santé humaine, mais touche également la santé animale et celle de l’environnement. Il est donc important de combattre l'antibiorésistance sur tous les fronts. Les antibiotiques ne sont pas automatiques, pour les vétérinaires aussi !

 

Une prise de conscience déjà effective en France

Sans attendre les résultats de ces études chez l’animal, des campagnes de sensibilisation ont déjà mobilisé les instances françaises. D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), la consommation d’antibiotiques a baissé de près de moitié en France chez les animaux entre 2009 et 2019. En 2005, 759 tonnes d’antibiotiques étaient utilisées en médecine humaine versus 1 320 tonnes en médecine vétérinaire, alors qu’en 2018, 728 tonnes d’antibiotiques étaient destinées à la santé humaine et 471 tonnes à la santé animale en France. Et en 2019, 422 tonnes d’antibiotiques ont été consommées par les populations animales, soit encore 10,5 % de moins qu’en 2018. « Par rapport à 2011, une baisse de 45,3 % de la pression des traitements antibiotiques est observée, avec une décroissance régulière », indique Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV). Entre 2018 et 2019, l’exposition a nettement baissé pour les bovins (-9,9 %), les porcs (- 16,4 %) et les volailles (- 12,8 %), les trois espèces les plus consommatrices en volume. En revanche, les lapins (+ 1,5 %) et les carnivores domestiques, chiens et chats principalement (+ 2,1 %), ont vu leur exposition augmenter légèrement.

Bien que les tonnages ne représentent pas la consommation réelle d’antibiotiques, puisque la taille des populations traitées diffère et que les quantités de chaque molécule utilisée chez l’homme et l’animal ne sont pas les mêmes, les chiffres attestent d’une nette diminution de la consommation d’antibiotiques en médecine vétérinaire, mais pas en médecine humaine. Les niveaux de consommation observés en santé humaine en France se situent encore 30 % au-dessus de la moyenne européenne. Cependant, la consommation globale des antibiotiques, exprimée en doses définies journalières (DDJ), se stabilise après une baisse de 15 % de 2009 à 2018.

Globalement sur la bonne voie, il ne faut pas baisser la garde. En effet, la résistance aux antibiotiques ne connaît pas de frontière. Si les bonnes pratiques en France commencent à porter leurs fruits, ces efforts doivent être déclinés à l’échelle mondiale, tant dans les populations humaines qu’animales. Il est donc primordial de continuer à promouvoir et d’amplifier les actions en faveur d’un bon usage des antibiotiques auprès de tous les acteurs concernés : citoyens, patients, professionnels de la santé humaine et animale, décideurs. La résistance aux antimicrobiens est une priorité mondiale qui doit s’inscrire dans le cadre d’une collaboration placée sous l’égide du concept “One health”. L’homme, les plantes, l’environnement et les animaux jouent en effet un rôle dans cette crise sanitaire majeure, dont toutes les conséquences doivent être prises en compte.

 

 

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