jeudi, mars 28, 2024
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Abattoir d’Alès : révélateur d’une filière où (presque) tout est permis

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Abattoir d’Alès : révélateur d’une filière où (presque) tout est permis

L’affaire de l’abattoir d’Alès a eu l’effet d’un électrochoc. Depuis la semaine dernière, un tsunami médiatique, provoqué par une vidéo de quelques minutes insoutenables, même pour les plus aguerris, a dévoilé au grand public une petite partie des problèmes de l’abattage en France, au moins pour quelques jours… Dysfonctionnements graves, non-respect de la réglementation, dérogations devenant des pratiques courantes, etc. Il ne manque plus qu’une alerte sanitaire, sous la forme d’une contamination dans l’un de ces établissements d’abattage, pour qu’une nouvelle crise éclate, mettant à mal une filière viande déjà bien ébranlée ces dernières années.

 

Abattage OABALes Français se sont réveillés en prenant conscience qu’il y a une vie avant le steak qui cuit dans leur poêle. Effectivement, l’homme est un omnivore et consomme de la viande. L’éloignement de notre société de l’environnement a pu faire oublier que nous aussi nous tuons pour manger. Mais à la différence des prédateurs sauvages, nous avons d’autres outils que de simples crocs pour mettre à mort nos victimes ; des outils pour lui éviter une souffrance inutile et injustifiable. Encore faudrait-il avoir la volonté politique, économique et administrative d’élever l’homme au-dessus des autres mammifères carnivores.

Car, depuis la mise en ligne de cette vidéo édifiante, nous assistons à une véritable mascarade, orchestrée par l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) et le ministère de l’Agriculture. Interbev a bien compris qu’il était impossible de défendre l’abattoir mis en cause, la vidéo montrant trop de défaillances, bien au-delà des notions de maltraitance. Plusieurs des actes filmés peuvent avoir des conséquences sanitaires. Alors, tant pis, l’organisation a décidé de sacrifier Alès pour protéger ce qui peut l’être encore dans les autres établissements. D’ailleurs, Frédéric Freund, directeur de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), a affirmé sur les ondes que seuls 5 % des abattoirs français respectent l’ensemble de la réglementation liée à l’abattage. C’est peu, mais pas une surprise. En effet, la France est dans le viseur de l’Union européenne pour non-respect dans ce domaine. Mais cela fait des années qu’elle fait la sourde oreille.

 

No strategy, no futur !

Il ne s’agit pas de pointer du doigt Stéphane Le Foll ; tous les ministres de l’Agriculture ont mené la même politique concernant l’abattage, celle de l’autruche. Pour des raisons purement mercantiles, le ministère de l’Agriculture et son armée de fonctionnaires prônent l’omerta au nom de la lutte contre le chômage. Car les établissements d’abattage vivent également une crise, celle de l’élevage tout simplement. L’absence de stratégie politique et les rafistolages que représentent les aides sporadiques qui permettent d’étouffer toute rébellion des éleveurs, jusqu’à la prochaine, n’aident pas à reconstruire une filière et à lui assurer un futur.

En outre les incohérences sont nombreuses. Pourquoi, par exemple, persister dans les exportations d’animaux vivants ? Et si la France faisait de l’exportation de carcasses une spécialité ? Au-delà des gains de production pour les abattoirs, c’est l’ensemble de la chaîne de valeurs de l’élevage qui serait reconstitué. S’est-on déjà penché sur les modèles économiques envisageables dans cette hypothèse ? Apparemment pas.

Certes, les abattoirs ne vont pas mieux que le reste de la filière, alors à défaut d’aides financières immédiates, l’État ferme les yeux sur nombre de dérives qui leur permettent de réduire les temps d’abattage et ainsi d’augmenter les rendements, à moindre coût. Quitte à courir des risques médiatiques ou sanitaires.

 

Tout va bien madame la marquise

Cette semaine, la communication de Stéphane Le Foll sur le sujet a tout simplement été dramatique. Alors qu’il doit faire face à un tollé médiatique, il tombe dans le piège pourtant classique en gestion de crise, celui du déni. Et cela en plusieurs étapes :

  • « Je suis vigilant pour faire respecter toutes les règles de bien-être animal dans les abattoirs en France… Je demande aux services vétérinaires d’être extrêmement fermes sur ce point. » Faut-il en déduire qu’il y avait un certain laxisme des services vétérinaires auparavant ? Il est vrai que leurs rangs ont fondu aussi rapidement que la banquise ces dernières années. Si Stéphane Le Foll a stoppé l’hémorragie l’an passé, il est dangereux de mettre le laxisme de son ministère sur le seul dos des inspecteurs de la santé publique vétérinaire.
  • Abattoir OABA«  Avec les services vétérinaires dont nous disposons, nous faisons en sorte de contrôler au maximum, et de la manière la plus régulière possible, les abattoirs. » Nous voilà rassurés. L’affaire d’Alès prouve alors que ces contrôles sont inefficaces. Stéphane Le Foll admet ainsi, sans l’avouer, la déficience de son ministère dans cette surveillance. Depuis quelques années, le ministère de l’Agriculture se désiste d’ailleurs peu à peu de ces contrôles, en expérimentant dans certaines régions l’autocontrôle sanitaire de la chaîne d’abattage par les éleveurs de lapins ou de volailles. Sa généralisation est même sérieusement envisagée.
  • Et le ministre de se défendre en tentant de dénigrer le travail réalisé par les associations de protection animale dans la conduite des abattoirs. Tandis que l’OABA n’a quasiment plus accès aux abattoirs depuis un an, il attaque frontalement L214 pour son militantisme végétarien. S’il se dit « parfaitement conscient de la nécessité de respecter, voire d’améliorer encore le bien-être animal », il ajoute que « dans ce débat, il y a des gens qui poussent derrière pour dire : il ne faut plus qu’on mange de viande ». Comment interpréter cette phrase ? Pour ne pas dégoûter les consommateurs de la viande, ne faudrait-il pas au contraire les rassurer sur le respect des conditions éthiques d’abattage des animaux qui les nourrissent ?
  • Le cas Sylvie Goy-Chavent : difficile de la classer parmi les sénateurs proches des végétariens ! Cette fille d’agriculteur est devenue l’un des spécialistes de la filière au Sénat, depuis son rapport sur la traçabilité de la viande en 2012. Il sera intéressant de voir comment la classe politique va tenter, dès lundi, de bloquer sa demande de commission d’enquête sur les abattoirs au Sénat. À l’heure où nous publions cet article, seuls onze sénateurs sont engagés dans cette démarche de transparence. Cela est révélateur du malaise général dès qu’il s’agit de regarder de plus près les politiques agricoles françaises. Il est vrai que tous les groupes politiques du Sénat ont un jour ou l’autre tenu ce portefeuille ministériel.

 

En fin de compte, il est probable que les démarches entreprises auprès des médias permettront de tourner la page de cette mauvaise semaine pour les abattoirs, en discréditant les uns, en muselant les autres… jusqu’au prochain scandale.
À moins qu’on ajoute un peu de religion dans le dossier pour expliquer pourquoi le non-étourdissement préalable à l’égorgement est devenu la norme. Une norme unique en Europe, quelle que soit la proportion des populations musulmanes ou juives chez nos voisins. Ou encore qu’on fasse un amalgame avec les corridas ou autres revendications légitimes ou pas. La République française a vraiment un problème avec les évolutions sociétales !

En attendant, il est possible de recourir à l’un des principes fondamentaux de la démocratie : demander un débat, sans tabou, stigmatisation ou violence idéologique, en signant cette pétition :

https://www.change.org/p/l-ensemble-des-parlementaires-et-au-pr%C3%A9sident-du-s%C3%A9nat-pour-une-commission-d-enqu%C3%AAte-sur-les-m%C3%A9thodes-d-abattage-des-animaux-de-boucherie?recruiter=312446233&utm_source=share_petition&utm_medium=twitter&utm_campaign=share_twitter_responsive

 

 

 

 

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