À la différence des deux agences du médicament françaises, la World Veterinary Association (WVA) et la Federation of Veterinarians of Europe (FVE) sont contre le classement de la kétamine injectable parmi les stupéfiants. Placer cet anesthésique sous contrôle international limitera sa disponibilité pour les vétérinaires et les médecins, en particulier dans les régions reculées.
De l’avis de la Chine, la kétamine, substance psychotrope dérivée de la phencyclidine, doit être placée sous contrôle international. De son côté, l’Expert Committee on Drug Dependence (ECDD) de l’OMS constate que cet anesthésique fait l’objet d’un usage médical important, tant en médecine humaine que vétérinaire, jusque dans les pays en développement. S’il prend note des inquiétudes de certains États et organismes des Nations Unies, il considère que le risque pour la santé publique posé par l’usage abusif de la kétamine au niveau mondial ne justifie pas son inscription à un tableau. L’ECDD recommande donc de ne pas la soumettre au contrôle international. Une position soutenue par les organisations vétérinaires WVA et FVE, mais aussi par la World Medical Association (WMA).
Aucune solution alternative
Or comme de nombreux pays à faibles ressources ne possèdent pas de solutions alternatives, sa mise sous contrôle international rendrait le médicament indisponible et les obligerait à renoncer à certaines interventions chirurgicales essentielles. Des restrictions qui pourraient affecter la santé de quelque deux milliards de personnes, principalement en Afrique, Asie et Amérique latine. C’est actuellement, dans ces régions, le seul anesthésique et antidouleur disponible.Ainsi, sans nier les effets nocifs induits par le détournement d’usage de la kétamine, en réduire l’accès apparaît bien plus grave pour la santé mondiale, humaine comme animale.
Un contrôle national suffisant
Cela portera également préjudice aux efforts conjoints des professions médicale et vétérinaire pour contrôler les maladies zoonotiques émergentes et réémergentes. Certaines, comme Ebola, pourraient prendre la forme de pandémies, notamment les affections avec un réservoir sauvage. En outre, sans la kétamine, il devient très difficile de gérer les nombreux programmes en épidémiologie ou en médecine environnementale.
L’application des législations nationales est en mesure d’assurer un contrôle suffisant de l’utilisation de la kétamine, en toute sécurité puisque uniquement sur ordonnance. Dans l’Union européenne, dix-sept pays ont mis en place un contrôle spécifique de ce médicament, quatre l’ont classé sur la liste des stupéfiants et neuf sur la liste des psychotropes.
La France à contre-courant
Il est vrai qu’en France, le nombre d’affaires impliquant la kétamine a augmenté entre 2009 et 2013. La plupart ont concerné son usage ou sa détention/cession comme stupéfiant, mais plusieurs vols dans des cliniques vétérinaires et un dans une centrale d’achats ont également été signalés. Toutefois, en 2014, l’usage et le trafic de kétamine sont restés marginaux comparativement aux drogues de synthèse ou aux médicaments. Rien à voir avec la situation en Chine, qui est à la source de la consommation illicite de kétamine dans le monde, selon l’United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC). Elle est soit détournée de la fabrication pharmaceutique légale, soit produite illégalement pour être ensuite exportée aux niveaux national et international.
La prochaine Commission on Narcotic Drugs n’a plus qu’à trancher, sachant toutefois qu’elle ne peut ajouter une substance à un tableau sans une recommandation explicite de l’OMS. Or l’ECDD de l’OMS a examiné la kétamine en 2006, 2012 et 2014… pour conclure à chaque fois qu’une mise sous contrôle était injustifiée.