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Biodiversité : le projet de loi amendé et adopté à une large majorité par le Sénat

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Biodiversité : le projet de loi amendé et adopté à une large majorité par le Sénat

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été voté au Sénat le 26 janvier 2016, par 263 voix contre 32. Une écrasante majorité qui cache toutefois une semaine de débats parfois tendus. Après son passage à l’Assemblée nationale en mars dernier, ce premier texte de loi ambitieux, porteur de réelles avancées en regard de la loi de 1976 sur la protection de la nature, devra ensuite revenir devant les députés en seconde lecture, pour une adoption définitive, au plus tôt d’ici à l’été.

 

Abeille pollinisateur biodiversiteLe Sénat a validé le cœur du dispositif, la création de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) qui, initialement programmée pour le 1er janvier 2016, sera opérationnelle « dès la promulgation de la loi ». Cet établissement public à caractère administratif regroupera les 1 200 agents de quatre organismes existants : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), l’Atelier technique des espaces naturels (Aten), l’Agence des aires marines protégées et les Parcs nationaux de France. Ce sera le second établissement public national en charge de l’environnement, aux côtés de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Toutefois, comme l’AFB n’absorbe pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui conserve son indépendance, son périmètre restera centré sur les milieux marins, aquatiques, botaniques et les espaces protégés, sans compétence sur la biodiversité terrestre. En outre, le manque de moyens de ce nouvel opérateur public fait déjà débat, même si la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a confirmé qu’il bénéficierait, en plus de son budget de 230 millions d’euros, de 60 millions supplémentaires dans le cadre des investissements d’avenir.

Les sénateurs ont réintroduit dans le projet de loi le principe du préjudice écologique, selon lequel « toute personne qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer », et cela « prioritairement en nature », c’est-à-dire en remettant en état le milieu dégradé quand c’est possible, ou sinon en versant « une compensation financière à l’État ou à un organisme désigné par lui » au profit de la protection de l’environnement. Les personnes qui engageront des frais pour prévenir un dommage imminent ou en réduire les conséquences pourront également prétendre à cette indemnisation. Le Sénat a en outre créé une action de groupe dans le domaine environnemental (class action), dont l’objectif est de permettre la réparation collective de dommages individuels.

En revanche, contrairement aux députés qui avaient voté leur interdiction à partir du 1er janvier 2016, les sénateurs n’ont pas voulu interdire l’usage des néonicotinoïdes, ces pesticides dont les « sévères effets négatifs pour les abeilles et les autres pollinisateurs, y compris à des doses d’exposition faibles », ont pourtant été dénoncés par plusieurs études, et notamment par l’Agence nationale de sécurité sanitaire dans son avis du 7 janvier 2016*. L’Anses préconisait pourtant d’élargir les restrictions d’usage aux semences d’hiver et de renforcer les mesures de gestion des produits contenant les substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride. Le Sénat a préféré encadrer ces usages. Ainsi, selon les termes de l’amendement adopté**, un arrêté du ministre de l’Agriculture déterminera, dans les trois mois après la promulgation de la loi, « les conditions d’utilisation des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ».

Autres régressions par rapport au texte approuvé par les députés, le Sénat a refusé d’interdire la chasse aux oiseaux à la glu, celle des mammifères en période de reproduction, et a même rétabli la pratique du chalutage en eaux profondes. En revanche, il a interdit le brevetage des « produits issus de procédés essentiellement biologiques » (gènes natifs) pour lever les freins à l’innovation dus à la multiplication des dépôts de brevets sur le vivant. L’échange de semences traditionnelles, quant à lui, reste autorisé.

De son côté, l’article relatif au commerce via Internet des espèces sauvages menacées, ajouté lors du débat à l’Assemblée nationale en mars 2015, a été adopté sans discussion par les sénateurs. Soucieux d’accroître la répression dans ce domaine, plusieurs amendements qui voulaient réduire le montant des sanctions ont même été rejetés. La criminalité liée aux espèces protégées est ainsi reconnue comme grave et sévèrement punie : les sanctions, qui se veulent dissuasives, passent en effet de 15 000 € à 150 000 € pour tout acte commis individuellement, et de 150 000 € à 750 000 € dans le cadre d’une bande organisée. Par ailleurs, les espèces les plus menacées, inscrites sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), devront systématiquement faire l’objet de plans d’actions ou de mesures de protection.

Avant son adoption définitive, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages devra encore revenir à l’Assemblée nationale. Députés et sénateurs parviendront-ils alors, en seconde lecture, à s’accorder sur un texte identique ? Réponse, en principe, d’ici cet été.

 

* http://www.senat.fr/amendements/2014-2015/608/Amdt_213.html

** Avis de l’Anses relatif « aux risques que présentent les insecticides à base de substances de la famille des néonicotinoïdes pour les abeilles et les autres pollinisateurs dans le cadre des usages autorisés de produits phytopharmaceutiques », https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2015SA042.pdf

 

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